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Tu m’enverras la photo ?

Depuis un certain temps, cette petite phrase, innocemment prononcée, me donne des boutons. Je me doute bien que les personnes (souvent des connaissances plus ou moins proches) ne s’imaginent pas ô combien ils peuvent heurter par ces quelques mots le plus aguerri des photographes.

Oui, la photographie peut être un travail, un métier, une profession. Et non, ce n’est pas parce qu’il prend peut-être du plaisir à pratiquer son métier que le photographe ne doit pas être rémunéré pour ce travail. Vous viendrait-il seulement à l’idée de dire à votre garagiste ou à votre médecin “Merci et au revoir” sans vous acquitter de ses honoraires ? Pourquoi le faire alors avec un photographe ?

Chaque déclenchement a un coût matériel pour le photographe

Comme tout artisan ou indépendant, le photographe professionnel (dont c’est le métier) a des charges fixes et variables, dont les taxes, l’achat de son matériel photographique et informatique (le meilleur puisqu’il veut vous produire les meilleures photos). Pour être au top, il doit aussi se former continuellement. Il utilise donc beaucoup de son temps pour son métier, peut-être même plus que les autres professionnels indépendants. Il prend des risques aussi, il travaille dans des conditions climatiques ou autres pas toujours très confortables (pensez aux photographes de guerre…).

Pour en revenir au matériel, non seulement il doit avoir un appareil de prise de vue, mais aussi les différentes optiques (objectifs) pour les différentes situations qu’il rencontre. Il doit aussi avoir des flashes (cobra ou de studio ou les deux) pour compenser le manque de lumière. Il doit avoir au minimum un ordinateur avec écran calibré une fois par mois (avec un appareil de calibration), avec de la RAM pour traiter les fichiers lourds que sont les fichiers photo de bonne qualité, et de la mémoire de stockage pour toutes ces photos. Cette mémoire doit être dédoublée pour les back-ups. Sans oublier les licences des différents softwares qu’il utilise pour la post-production. Nul besoin de vous préciser que ce matériel de haute technologie est très fragile, peut casser, tomber en panne et coûte relativement cher. Chaque pression du doigt sur le déclencheur de l’appareil photo a un coût. Chaque impression aussi (imprimante, papier photo, encre et calibration).

De la valeur ajoutée du photographe

Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au matériel proprement dit. Je n’ai pas encore évoqué la valeur ajoutée que chaque photographe apporte à sa prise de vue, son “oeil” (sa manière de mettre la situation dans le cadre de l’image).  Est-ce que vous trouveriez normal que vous ne soyez pas rémunéré pour votre métier ? C’est exactement la même chose pour le photographe. Il a été formé pour restituer en deux dimensions et dans un cadre un moment réel qui, parfois, ne dure qu’1/2000e de seconde. Dans le cas des photos d’actions, il n’a pas le droit à l’erreur. Il doit donc bien maîtriser ce qu’il fait, anticiper et agir au moment opportun.

Quand on voit une photo, on oublie souvent que le photographe qui l’a prise avait le mérite d’être là au bon moment. Au moment où vous, vous étiez peut-être en train de vous amuser, ou de faire autre chose. Ou tout simplement parce que vous n’aviez pas d’appareil photo sous la main. Ou que vous avez pris la photo, mais qu’elle s’avère ratée après coup.
On oublie souvent aussi qu’il a apporté sa créativité, sa touche personnelle, qui rendent son travail unique.

Je dois souvent faire face à des commentaires désobligeants, dont le premier est un étonnement que je demande d’être rémunérée pour mon travail. Comme si je mendiais le droit de pouvoir faire des photos. Je suis contente de mon travail et j’aimerais beaucoup pouvoir continuer à le pratiquer. Il n’y a rien de plus motivant d’admirer le sourire des personnes qui découvrent, enthousiastes, leur portrait et la manière dont je l’ai mis en image. Malheureusement, si je dois envoyer toutes mes photos, sans rémunération, il y a un temps où je ne pourrai plus “en vivre” et je serai dans l’obligation de m’arrêter. Beaucoup de talentueux photographes ont dû s’y résigner, mais je n’ai pas encore envie de les rejoindre. Pas maintenant.

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