Trouver un emblème ou un symbole pour une marque ou un produit est un travail de réflexion qui doit prendre en compte de nombreux aspects. Selon Wikipedia, un symbole peut être un objet, une image, un mot écrit, un son ou une marque particulière qui représente quelque chose d’autre par association, ressemblance ou convention. Par exemple, un losange pour symboliser une route prioritaire. Quand on évoque le logotype, on pense souvent au visuel ou au nom. En publicité, on considère qu’un logo est réussi quand il est reconnu et associé directement à la marque qu’il représente. On prend aussi en compte le fait qu’il va durer dans le temps et pourra être utilisable de nombreuses années sans modifications majeures. En règle générale, on essaie d’imaginer un logo qui est au-dessus des modes et qui deviendra, au fil du temps, un classique pour presque tomber dans le domaine public. Pour moi, un logo très réussi, c’est Coca-Cola.
Le logo, le symbole, se doit d’être fédérateur : en un mot ou en une image, il doit représenter tout un concept. En matière de marketing, il doit aussi représenter l’unique selling proposition, c’est-à-dire l’élément qui le distingue de ses concurrents.
Le logo doit pouvoir être utilisable dans toutes les campagnes de la marque, déclinable selon les médias, fédérer les personnes qui le connaissent déjà et donner une idée du produit à ceux qui ne le connaissent pas encore, pour leur donner l’envie de le découvrir.
De la théorie à la pratique
Ca c’est la théorie pure et dure. Oui, mais comment faire dans la pratique ?
Je vais prendre un cas que je connais bien et que j’apprécie particulièrement, qui n’est pas un produit à proprement parler, mais qui a besoin d’un peu de promotion dans le monde entier. Le Carnaval de Binche est une manifestation folklorique qui se déroule durant trois jours sur l’année (les jours gras, juste avant la période appelée Carême). Le principe, comme la plupart des manifestations folkloriques locales, c’est que la manifestation ne se déplace pas : vous devez venir dans la ville pour la voir et la vivre. C’est déjà la première difficulté : attirer un maximum de visiteurs, sur seulement trois jours, en hiver, avec une météo pas toujours clémente (il y a néanmoins de bons crus). Il sera donc nécessaire de motiver ces visiteurs potentiels à effectuer le déplacement jusqu’à Binche. Il faut savoir qu’après Binche, chaque dimanche, pendant quelques mois, se déroulent des Carnavals avec des Gilles (les personnages emblématiques du Carnaval). Donc, la question pourrait se poser ainsi : mais qu’a donc Binche de plus que les autres, pour avoir été promue, en 2003, Patrimoine oral et immatériel de l’Unesco, outre le fait qu’à Binche, les Gilles ne se montrent que le Mardi gras, alors qu’ailleurs, ils sortent les trois jours de fête ? Tout d’abord, la ville. La cité a une histoire, et a pu en conserver des traces, remontant jusqu’au XIe siècle. Elle recèle de magnifiques bâtiments, propose son Musée international du Carnaval et du Masque unique au monde et reconnu internationalement. Oui, ok, mais la fête ? Qu’est-ce que les Gilles de Binche ont de plus que les Gilles d’ailleurs ? A priori, pas grand-chose pour un non initié. Les Gilles dansent au son des tambours et/ou des musiques, portent un costume fait de toile beige avec diverses décorations en feutre comme des couronnes et des lions, aux couleurs noir jaune rouge, ils ont des sabots avec lesquels ils martèlent le sol quand ils dansent. Ils ont une ceinture (appelée apertintaille) pleine de cloches qui tintent quand ils dansent. A certains moments de la journée (l’après-midi à Binche), s’il ne pleut pas, certains d’entre eux portent un immense chapeau fait de plumes d’autruche et lancent des oranges sanguines au public venu les admirer. La signification de ce folklore serait de faire beaucoup de bruit en martelant le sol pour chasser l’hiver. Ce rituel avec ses costumes et ses musiques se pratique à Binche, et dans tous les autres Carnavals des environs, même si c’est Binche qui donne le départ. Je vois déjà les Binchois, d’un air digne presque hautain, monter au créneau : le Carnaval de Binche est unique, nous respectons les traditions très rigoureusement et il n’y a qu’un Binche au monde.
L’unique selling proposition de Binche
Oui, c’est vrai, il n’y a qu’une seule ville au monde qui s’appelle Binche, et c’est cette ville située en Hainaut en Belgique. (un mot Binche qui est d’ailleurs imprononçable pour les Néerlandais et les Italiens, le ch au milieu leur pose vraiment problème). Et les Gilles de Binche ne se déplacent pas de leur ville. On ne peut les voir qu’ici. Dans les autres localités, les participants revendiquent aussi de respecter les règles transmises par la tradition. Alors, objectivement, face to face, les yeux dans les yeux, qu’est-ce que les Gilles de Binche ont de plus que les autres ? Vous ne voyez pas ? Le masque de cire, pardi. Cette fabuleuse fabrication artisanale, qui a pour but, quand il est porté, de conférer l’anonymat et de symboliser l’égalité. J’en ai déjà longuement parlé (et pour être certaine que tout le monde soit bien au courant, j’ai même écrit un livre là-dessus avec Christel Deliège). Et je continue de revendiquer ce caractère unique. Pour moi, le symbole du Carnaval de Binche, c’est celui-là. Et si possible, un Gille qui le porte dans sa société, avec tous ses Gilles autour. C’est cette image qu’il faut véhiculer auprès de ceux qui ne connaissent pas le Carnaval de Binche, pour leur donner envie d’y venir. Pour le reste, on peut le voir dans tous les autres carnavals. Bien sûr, c’est mon avis personnel et il n’engage que moi. Il est néanmoins basé sur une vingtaine d’années de pratique de la communication efficace orientée public. Une ville qui se veut ouverte au monde doit l’être dans les faits. Avec tout ce que ça implique…